F.3/Anthoine Hubert: « La victoire est une délivrance »

Anthoine Hubert © DR

L’unique pilote français du Championnat d’Europe de Formule 3 a accepté de revenir sur son week-end victorieux au Norisring. Sur le tracé citadin, Anthoine a inscrit sa  première victoire en 2016, en résistant à la pression exercée par Lance Stroll.

Après avoir signé en F3 sur le tard, le Français de 19 ans a eu fort à faire avec un nouvelle équipe hollandaise, des adversaires extrêmement bien préparés et des circuits pour la plupart inconnus.

Après quatre épreuves, il ne comptait qu’une 6e place comme meilleur résultat en Hongrie. L’ancien Champion de la F4 espère que ce succès en terre allemande lancera pour de bon sa saison.

– Est-ce que vous vous attendiez à vivre une telle fin de semaine ?
Anthoine Hubert : « Pour être honnête, non ! Bien entendu, on prend chaque manche avec l’envie d’être aux avant-postes, surtout après un début de saison compliqué. J’étais motivé pour aller chercher des bons résultats. Là-bas, tout s’est bien passé : dès les essais libres du vendredi je suis 5ème et 2ème. La première qualification a été un peu compliqué (13ème), car la moindre erreur fait perdre beaucoup de temps sur ce circuit court (2,3 km) et rapide (la pole de Lance Stroll a été réalisée en 48 »). En Qualification 2, je me suis rattrapé avec un 2ème et 3ème temps. Mon équipier Callum Ilott, en pole provisoire, a été victime d’une pénalité pour changement de moteur. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, j’ai hérité de la 1e place sur la grille et du 2ème rang. »

– Justement, ta victoire en Course 2 n’a pas été évidente à obtenir, avec de nombreux incidents ; comment as-tu géré la pression en tête ?
Anthoine Hubert : « Ce n’était pas une course facile ! Malgré un départ compliqué, j’ai réussi à garder ma position. Puis, à peine je commençais à creuser un écart sur Stroll (2e), la voiture de sécurité sortait après divers accrochages (trois interventions en 34 minutes). À  chaque relance, je voulais à tout prix prendre suffisamment d’avance sur mon rival : l’aspiration joue un rôle important et il ne fallait pas qu’il en profite ! Il n’y a qu’au dernier exercice que j’ai eu un peu de trac : il restait peu de tours et je devais absolument réussir mon coup.
Toute la course, Lance a roulé sur un rythme équivalent au mien, j’étais sous pression, mais la victoire a été une délivrance !

– Une double délivrance, par rapport à votre première moitié de saison difficile ?
Anthoine Hubert : « Exactement. Je n’avais pas fait de podium depuis un bon moment. À un moment donné, je savais que les choses devaient changer. Assortir mon premier podium en 2016 par un succès, c’est très appréciable.

– Qu’est-ce qui vous rend si à l’aise sur les tracés urbains (victoires à Pau en F4 en 2013 et F.Renault 2.0 ALPS en 2015) ?
Anthoine Hubert : « J’ai toujours adoré rouler en ville. Dès mes premiers pas en karting, j’ai aimé la sensation de frôler les rails. Mais je ne saurais pas vraiment dire pourquoi j’ai ce feeling, ni pourquoi je suis aussi à l’aise. Je dois quand même préciser que le Norisring est atypique. Ce n’est pas l’équivalent de Pau, il est un cran en dessous.

– La part du pilote y est peut-être plus importante que sur les pistes  »classiques » ?
Anthoine Hubert : « (Il réfléchit) Il y a un peu de ça, mais je parlerais plutôt de pilotage à l’instinct. Il faut savoir s’adapter vraiment rapidement aux conditions, savoir prendre un surplus de risques et c’est ça qui me plaît !
Pendant l’hiver, je n’ai fait qu’une demi-journée de test, là où mes adversaires ont énormément roulé sur des circuits permanents du Championnat d’Europe. Or, quand on arrive à Pau ou au Norisring, ils n’ont pas pu autant s’entraîner, et j’arrive avec un retard moins important. Cela m’aide quelque peu. »

– Comment s’est déroulée l’adaptation à une équipe étrangère (Van Amersfoort Racing est basée aux Pays-Bas, les équipiers d’Anthoine sont Anglais et Brésilien) ?
Anthoine Hubert : « L’environnement est bien plus grand que mes teams antérieurs. Je ne l’ai pas côtoyée durant l’intersaison car je n’ai signé mon contrat que fin février. Cela n’a pas facilité les choses, mais cette victoire fait beaucoup de bien à ce niveau. L’équipe avait déjà confiance en moi malgré cette entame de championnat compliquée. C’est aussi cela qui a permis d’atteindre un tel résultat samedi. Sans leur confiance, nous n’aurions pas pu travailler de cette manière, et réaliser un week-end aussi productif. »

– Dans le Prema Powerteam, ça se chamaille un peu pour le rôle de leader entre les pilotes ; qu’en est-il chez Van Amersfoort ?
Anthoine Hubert : « On sait que Stroll est leader chez Prema. Son père est propriétaire de l’écurie,et au-delà de ça il a creusé l’écart au championnat (86 points d’avance sur son équipier Günther)… Chez nous c’est différent. Callum (Ilott) en est à sa 2ème saison en F3, il faut  »titrer » ! Quant à moi, je ne suis pas très bien classé au général (13e).Nos objectifs sont différents, et il n’y a pas forcément de confrontation avec lui. Il est très performant, ce qui m’aide d’ailleurs beaucoup. »

– Avez-vous accès à ses réglages mécaniques ?
Anthoine Hubert : « Les quatre pilotes du team peuvent s’échanger les acquisitions de données. C’est toujours intéressant de travailler de concert, ça aide l’équipe à aller plus vite ! C’est même primordial pour moi ; si l’on bosse tout seul dans son coin, la tâche est beaucoup plus difficile.

– Grâce à ces deux podiums, vous êtes revenu à seulement 21 points du leader du classement Rookie, Ben Barnicoat. Vous pensez pouvoir le rattraper dans cette seconde moitié de saison ?
Anthoine Hubert : « C’était l’objectif initial ce printemps. C’est vrai que j’ai pris un peu de retard entre-temps et après quelques courses, je ne regardais plus les classements aux points. Ça n’était pas la priorité, je voulais avant tout retrouver de la performance. Maintenant, il faut continuer sur cette lancée. J’espère que les résultats vont lancer mon Championnat. Mon objectif en fin d’année reste le même ! »

– Ton équipe a-t-elle des attentes particulières envers toi après cette victoire ?
Anthoine Hubert : « Pas forcément. Pour ma part, je sais que ça ne sera pas simple de gagner à chaque manche ! On va se rendre sur des lieux que je ne connais pas comme à Zandvoort mi-juillet. Il ne faut pas s’enflammer et garder les pieds sur terre. L’équipe est dans une philosophie identique. Nous voulons encore gagner, mais nous savons aussi que ça ne sera pas évident. Nous continuerons à travailler, car le niveau dans la catégorie est très relevé. On peut très facilement se retrouver loin dans le peloton. »

– Est-ce que tu as déjà des projets concernant 2017 ?
Anthoine Hubert : « Ça va dépendre de plusieurs paramètres. Tout d’abord, mes résultats sportifs d’ici le mois d’octobre, et ensuite la partie financière. Chaque année, je galère un peu à trouver les budgets nécessaires. Peut-être qu’à la fin de saison je serais toujours incapable d’annoncer mon avenir ! Pour l’instant je suis focalisé sur ma saison, afin d’avoir de bonnes opportunités à l’intersaison. On essaiera de choisir l’option la plus intéressante sportivement et la plus séduisante financièrement. »

Medhi Casaurang-Vergez,

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