24 Heures de Spa dans les rétros, la bataille des Viper !

Il ne reste que trois heures avant le dénouement des toutes premières 24 Heures de Spa de l’ère GT… Aux commandes du peloton de tête, la Viper #7 Larbre Compétition de Christophe Bouchut, Jean-Philippe Belloc et Marc Duez possède un net avantage. La voiture de l’écurie française effectue un superbe parcours, d’une modeste qualification jusqu’à la tête de course pendant la majeure partie de ces deux tours d’horloge.

Mais cette dernière période de course semble durer une éternité pour l’équipe de Jack Leconte alors que la Viper #3 Carsport Holland devient menaçante. En prenant en compte son rythme, c’est la machine à battre. L’équipage, composé du quadruple vainqueur des 24 Heures, Thierry Tassin, de l’expérimenté Mike Hezemans et du jeune Jeroen Bleekemolen s’est élancé depuis la pole et a mené les premières heures, mais un échappement endommagé a nécessité un arrêt de sept minutes, lui coûtant plus de deux tours.

Cependant, profitant de la perte d’une roue durant la nuit pour la Viper Larbre de tête, la Carsport opère un retour dans la course. La deuxième Viper Larbre, la #17, fait aussi son entrée en lice, avec Sébastien Bourdais au volant (22 ans et un gros potentiel), jusqu’à ce que la voiture rencontre de gros problèmes de freins peu après 6 heures du matin.

Dimanche matin, de fortes pluies s’abattent sur le circuit. Ce n’est pas une surprise car il y a déjà eu de nombreuses averses samedi, mais l’équipe Carsport se fait surprendre. La Viper #3 est revenue en tête et l’équipe choisit de chausser les slicks au moment même où le ciel se déchire. Trois autres minutes sont perdues, l’équipage #7 Larbre reprend l’avantage.

A midi, Christophe Bouchut est au volant avec deux minutes d’avance, mais Thierry Tassin, plus que déterminé, se rapproche rapidement. Une cinquième victoire au général ferait de lui le pilote le plus titré de l’histoire de l’épreuve, une motivation supplémentaire pour le champion local. De fortes pluies font une nouvelle fois leur apparition lorsque le jeune Bleekemolen prend le volant. Il parvient malgré tout à trouver suffisamment d’adhérence sur la piste désormais détrempée de Spa-Francorchamps. Les conditions sont difficiles, au point que la voiture de sécurité est déployée, laissant la course sur le fil du rasoir. A trois heures du damier, ce n’est plus une course d’endurance, c’est un sprint.

C’est sans doute à ce moment que l’entrée dans l’ère GT s’opère vraiment. Tous les ingrédients permettant d’écrire la légende des Total 24 Hours of Spa « modernes » sont réunis : un intense combat pour décrocher la victoire, des conditions météorologiques difficiles, de jeunes loups combatifs, des stars expérimentées et bien sûr, le rugissement des moteurs GT résonnant dans les Ardennes, au point de faire tomber l’eau de pluie des arbres.

À strictement parler, nous pouvons retracer un peu plus loin le début de cette nouvelle phase de l’histoire de Spa, vers la fin de l’ère des voitures de tourisme en 2000. Durant ses heures de gloire, l’épreuve avait attiré la crème de la crème des pilotes, sans oublier quelques vedettes issues d’autres disciplines.

Mais à la fin de ce 20ème siècle, l’épreuve a besoin de se renouveler et l’organisateur de longue date, le Royal Automobile Club de Belgique (RACB), prend la décision de passer au GT, une formule en pleine croissance.

L’homme de la situation est Stéphane Ratel. A cette époque, SRO Motorsports Group est aux commandes du championnat FIA GT. La série prospère et ouvre la voie à un nouveau boom de la discipline GT, mais il manque encore quelque chose, une épreuve d’envergure.

Le FIA GT a déjà roulé à Spa en 1997 avec une compétition de quatre heures. Cette fois, ce serait une entreprise complètement différente, dans laquelle les deux parties trouveraient un réel intérêt. Lorsque le rideau se lève sur la course 2001, certains signes précurseurs laissent penser que leur pari est gagné. Les chiffres de fréquentation augmentent considérablement, alors que ces GT suscitent la curiosité des fans.

Rien ne ressemble à cette nouvelle génération de machines, comme la Chrysler Viper GTS-R. Propulsée par un moteur V10 de 8 litres, cette combinaison de silhouette américaine musclée et d’ingénierie européenne est un véritable pur-sang de course moderne. Pas moins de neuf Viper sont sur la grille de départ en 2001 face à des adversaires de haut niveau, la Ferrari 550 Maranello et la Porsche 996 Bi-Turbo.

Ces trois bolides se sentent immédiatement à l’aise sur le circuit de Spa-Francorchamps, exactement le type de voiture capable d’ouvrir une nouvelle ère pour les 24 Heures. Les temps au tour montrent rapidement leur puissance : la pole position est environ 20 secondes plus rapide en 2001 qu’elle ne l’avait été l’année précédente. Les GT apportent dans les Ardennes un niveau de vitesse supérieur et de nouveaux sons pour les amateurs de belles mécaniques.

Revenons à la course 2001, peu après 13 heures le dimanche après-midi. La pluie est moins forte et la voiture de sécurité rejoint les stands. Tout indique une attaque imminente de Carsport et, très probablement, un changement de leader. Mais lorsque le drapeau vert libère la course, vers 13h30, Bouchut donne le ton. Bleekemolen semble être à la peine, part en tête-à-queue à La Source, permettant à la voiture Larbre de creuser rapidement un écart de 45 secondes.

Vient ensuite le tournant de la course. Toujours en deuxième position, la Viper Carsport s’arrête à la chicane de l’arrêt de bus. Encore une fois, la pluie se révèle décisive à Spa puisque l’eau s’est infiltrée dans le système électrique de la voiture.

Bleekemolen quitte l’habitacle et se dirige vers l’entrée des stands, où un membre de l’équipe arrive avec une batterie de rechange. Comme la batterie est remise directement au pilote, un commissaire de piste interpelle Bleekemolen en lui tapant sur l’épaule, mais pas de réponse et le Néerlandais rejoint la voiture en panne. Le commissaire agite alors son doigt en signe d’avertissement, semblant dire: « N’essayez même pas. » Il a raison car ce type d’assistance est strictement interdit. La voiture est ainsi mise hors course et Bleekemolen écope d’une amende.

Avec cet épisode, la compétition est effectivement terminée. Bouchut dispose de 15 minutes d’avance sur Bourdais et rejoint l’arrivée en offrant un doublé aux Viper Larbre. La victoire est acquise avec cinq tours d’avance, permettant du même coup à Bouchut et Belloc de décrocher le titre FIA GT 2001 à quatre manches de la fin. L’équipage 100% belge Silver Racing, composé de Robert Dierick, Eric De Doncker et Vincent Dupont, signe une belle troisième place, confirmant la suprématie Viper sur le podium.

En 2001, la physionomie de l’épreuve est très différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. C’est une compétition d’endurance à l’ancienne où il convient de piloter avec une certaine prudence et de gérer les problèmes avec le minimum de fracas. Demandez à ceux qui ont vécu la totalité de l’ère GT, ils seront d’accord pour dire que ce n’est tout simplement plus le même genre de course. Aujourd’hui, les Total 24 Hours of Spa sont abordés à 98% dès le départ, et un petit problème peut faire la différence entre se battre pour la victoire et finir au-delà du top-10.

L’année 2001 a jeté de nouvelles bases en prouvant au monde que les GT étaient la voie à suivre pour cette grande et ancienne course, et qu’une nouvelle ère pouvait voir le jour, lui permettant de retrouver sa renommée internationale. Mais c’est bien le développement opéré au cours des années suivantes qui a créé l’épreuve que nous connaissons aujourd’hui. À cet égard, 2001 n’est que le début de l’histoire…

Adelheid Terryn,

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