Frank Williams, le dernier artisan de la Formule 1, est mort

Fondateur de la célèbre écurie de Formule 1 qui porte son nom, Frank Williams s’est éteint dimanche à l’âge de 79 ans.

Légende de la Formule 1, Sir Frank Williams s’est éteint dimanche 28 novembre, à l’âge de 79 ans. Anobli par la reine, l’Anglais a donné ses lettres de noblesse aux ‘garagistes’ de la F1 avec son écurie éponyme. Parti de rien, il a remporté neuf titres de champion du monde des constructeurs et offert sept sacres à ses pilotes. Frank Williams avait cédé les rênes à sa fille Claire en 2013. Le Covid-19 aura eu raison de la santé financière de son écurie, vendue en septembre 2020 au fonds d’investissement américain Dorilton Capital.

C’est une figure de la F1 qui s’en est allée. Une homme comme on n’en fait plus et qui pouvait s’attaquer au Commendatore Enzo Ferrari avec une équipe aux moyens dérisoires. Une homme concentré sur son fauteuil roulant, à arpenter les paddocks ou à scruter les écrans. Un général comme ceux qui partaient à la guerre et dont il aimait tant lire les histoires. Rien n’était au-dessus de l’équipe et de ses soldats, pas même les pilotes, fussent-ils champions du monde.

Un regard d’acier pour un homme qui a côtoyé la mort si souvent
Et puis il y avait la mort. Celle qui a si souvent rôdé autour de Frank Williams. Elle a jalonné sa vie et endurci cet homme au regard d’acier. Celle de son ami Piers Courage avec qui il avait débuté en Formule 1 en 1969. Lui aux manettes d’une jeune écurie désargentée et Courage au volant d’une modeste Brabham-Cosworth. Un an plus tard, le mariage malheureux avec De Tomaso se fracassait sur les rails du circuit de Zandvoort avec le décès de son ami. Une tragédie que Frank Williams a revécu le 1er mai 1994 sur le circuit d’Imola avec l’accident d’Ayrton Senna, icône sans égal de la F1. Un destin brisé par la rupture de la colonne de direction qui a envoyé la Williams-Renault du Brésilien dans le mur et failli ensevelir son écurie dans un procès interminable achevé par un acquittement. Une mort que lui aussi avait côtoyée de près dans un accident de voiture en mars 1986 et qui allait le clouer sur un fauteuil roulant pour le restant de ses jours. Fou de vitesse mais incapable de lever le pied, il s’est vu tant de fois y rester.

« Honnêtement, je conduisais comme un fou », racontait-il dans Libération en 1997. « J’ai même songé prendre un chauffeur ou faire des courses de club à Brands Hatch pour me calmer. Mais l’accident est survenu. Regretter n’aide en rien. Et puis, j’étais toujours le propriétaire d’une écurie de Formule 1, je n’étais ni riche ni pauvre. J’avais eu une vie passionnante, des petites amies puis une femme et trois enfants, une famille formidable. Le lendemain, mon cerveau m’a fait comprendre que j’allais rester paralysé et m’a aidé à l’accepter. J’avais 43 ans, j’ai fait une connerie et voilà. J’avais surtout évité le pire. »

Des coups de génie et des succès
Dans le rétro, Williams pouvait en effet se targuer d’avoir gravi le plus haut sommet du sport automobile. Face aux plus grands constructeurs, l’Anglais avait fait triompher les ‘garagistes’, ces passionnés sans le sou mais pas sans idée. Son premier coup de génie sera de s’associer avec Patrick Head en 1969.

Dès 1972, il lâche les châssis Brabham pour concevoir ses propres monoplaces. Malgré la part belle faite au ‘bricolage’, l’argent fait déjà défaut et les associations financières sont trop hasardeuses pour que l’écurie décolle. Il lui faut renaître une première fois en 1977 pour se rapprocher des podiums avec Alan Jones. C’est en 1979 avec FW07 wing-car de Clay Regazzoni et Jones que les victoires s’enchaînent. Trop juste pour détrôner Ferrari, Williams n’attend qu’une seule saison pour décrocher ses premiers titres mondiaux, constructeur et pilote, avec Alan Jones (1981). Suivront deux nouvelles couronnes pour l’écurie (1981 et 1982) et le titre pilote de Kéké Rosberg (1982).

Fort de ses succès, Frank Williams peut désormais se lier avec des grands noms de l’automobile. Honda pour la période turbo, Renault lors du retour à l’atmosphérique avec au moins un titre à chaque fois. L’accident sur les routes du Var en 1986 ne l’éloigne que quelques mois des circuits mais n’entame en rien sa motivation.

Anobli par la reine en 1986, Frank Williams arrive alors au sommet de sa gloire. Entre 1992 et 1997, ses voitures dominent outrageusement la concurrence. Derrière le muret des stands ou à Grove – où l’écurie fabrique ses monoplaces -, il entretient sa réputation d’homme à poigne où son amour pour ses pilotes le pousse pourtant à s’en séparer, ou à ne pas les retenir, après chaque titre mondial. Ce sera la cas de Piquet, Mansell, Prost et Hill. Jacques Villeneuve lui apporte un dernier moment de gloire en 1997, son 7e titre pilote et le 9e en tant que constructeur. Aucune écurie indépendante n’a fait aussi bien.

Les années 2000 signent le déclin de Williams qui ne trouve pas avec BMW, Toyota puis Renault le moyen de retrouver les sommets. Malgré plusieurs propositions, Frank Williams refuse de céder aux sirènes d’un grand constructeur et se contente de préparer l’avenir avec sa fille Claire, intégrée à l’équipe dès 2002. Elle en prend les rênes en 2013 jusqu’à la vente de l’écurie à un fonds de pension en septembre 2020. Un ultime crève cœur pour son fondateur et la fin d’une aventure de 43 ans. La F1 était toute sa vie. Son jouet vendu, à quoi bon rester regarder tourner une Williams qui n’en est plus vraiment une.

Xavier Richard – France TV,

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