Dakar Étape 5 : Petrucci et Lategan, en première classe

L’ŒIL DANS L’OBJECTIF
C’était une journée inédite sur le Dakar. En Amérique Latine, des portions spécifiques pour les motos avaient vu le jour, aujourd’hui, c’est l’intégralité de l’étape qui était différente pour les catégories FIA et FIM. Les unes et les autres ont emprunté des parcours en boucle autour de la capitale, les autos s’élançant dans leur spéciale au petit matin comme les motards, habitués à être les seuls à remonter leurs réveils en plein milieu de la nuit pour quitter le bivouac. Récompense pour les catégories FIA à ce lever avant l’appel à la première prière, les plus rapides sont arrivés au bivouac pour profiter du soleil de début d’après-midi. Avant, 421 km de spéciale au Nord de Riyadh ont mené la caravane sur quatre roues jusque dans la province d’Ach-Charquiya, à l’Est du royaume, bordée par les rives du golf Arabique. Le carrefour des grandes civilisations du Levant, de Mésopotamie et des Indes. Chez les motos, la spéciale de 346 km à l’Est de Riyadh était plus courte mais a réservé son lot de surprises. Demain, à la veille de l’étape de repos, on échange les boucles : celle de l’Est pour les autos, les motos au Nord. Une journée charnière, à l’issue de laquelle tous les ténors souhaitent accrocher des positions stratégiques avant le chemin du retour vers Jeddah.

L’ESSENTIEL
La réputation de leur talent les avait précédés l’un comme l’autre. Mais en remportant leur première spéciale sur le Dakar, Danilo Petrucci à moto et Henk Lategan chez les autos viennent de gagner un tout autre statut. Star des circuits de Moto GP, le pilote italien de KTM avait logiquement été inscrit en Rally 2 pour sa première participation à un rally-raid. Venu pour apprendre, il s’impose devant les pilotes les plus expérimentés de la discipline à son sixième jour de course. Voilà ce qu’on appelle un élève surdoué (voir La Perf), même si ‘Petrux’ n’a pas eu à assurer la navigation pour s’imposer sur la spéciale du jour et a bénéficié d’une pénalité infligée à Toby Price, le plus rapide sur le sable et dans les caillasse, pour rafler la mise en fin de journée. Le terrain n’a pas mis en difficulté le trio Sunderland-Walkner-Van Beveren, toujours en tête du classement général dans un mouchoir de poche, mais a en revanche mis au tapis quelques prétendants. Joan Barreda se retrouve même incertain pour demain (voir Le coup dur), tandis que le staff de Husqvarna a clairement évoqué l’hypothèse de l’abandon de Skyler Howes.
En autos, le phénomène Henk Lategan avait déjà brillé l’année dernière avant de quitter le Dakar pendant la 5e étape. Cette fois le jeune virtuose du volant a encore laissé des morceaux de voiture en chemin, en même temps que des heures qui l’empêcheront de viser le podium, mais s’est offert une démonstration : 2 minutes de mieux que Sébastien Loeb, 2ème sur les 421 kilomètres au programme du jour. Juste derrière, Lucio Alvarez (3e) et Mathieu Serradori (4ème) se montrent également à un niveau qui leur autorise de viser haut à horizon Jeddah. Nasser Al Attiyah se charge pour le moment de surveiller Loeb, mais devra également garder un œil sur son coéquipier argentin chez Toyota, 3ème du général.
Les ‘Proto-légers’ sont toujours dominés par le duo de South Racing ‘Chaleco’ Lopez et Sebastian Eriksson, séparés de 22 minutes, et qui laissent Seth Quintero enchaîner les chronos : victoire d’étape numéro 5 pour le ‘kid’. En SSV, Austin Jones a en revanche été délogé de son fauteuil de leader par le Brésilien Rodrigo Luppi de Oliveira, tous deux également embarqués dans des Can-Am : ils sont séparés de 4 minutes.
Enfin, Sotnikov remporte une 3ème étape cette semaine et conserve la tête du général sans être à l’abri de son coéquipier Eduard Nikolaev, 2ème à moins de dix minutes.

LA PERF DU JOUR
A 31 ans, Danilo Petrucci participe à son premier Dakar et apprend à trois cent à l’heure. Rien d’étonnant pour une jeune retraité des circuits de Moto GP qui y a passé dix ans de sa vie. Auteur de dix podiums et de deux victoires dans la catégorie reine, l’Italien avait bien failli ouvrir son compteur en rallye-raid dès hier. Annoncé 3ème de l’étape 4 de sa nouvelle carrière, ‘Petrux’ avait écopé au bivouac de 10’ de pénalité… pour excès de vitesse. Un comble ! Après le gravier des bordures de piste, le pilote Tech 3 KTM a goûté aujourd’hui au sable d’Arabie Saoudite en évitant un dromadaire. « J’ai eu droit à ma première chute en rallye-raid. Après cela, je me suis calmé et Kevin Benavides m’a rattrapé et on a fini la spéciale ensemble. » A l’arrivée, le stagiaire de l’équipe KTM qui se permet de suivre le rythme du tenant du titre après seulement cinq jours d’expérience était signataire du 2ème temps. Ironie du sort, c’est lui qui, à son tour, a bénéficié d’un excès de vitesse en arrivant à Riyadh. Celui de son coéquipier Toby Price qui était auteur du meilleur chrono du jour mais reçoit 6′ de pénalité. Jamais on n’a vu un pilote de Moto GP devenir du jour au lendemain pilote officiel sur le Dakar. Et il y a fort à parier que Petrucci va continuer à casser les codes du ‘rookie’ d’ici Jeddah et la saison prochaine en championnat du monde où il est déjà inscrit pour le compte de l’usine de Mattighofen.

LE COUP DUR DU JOUR
Quand on a Joan Barreda aux trousses, il est difficile de ne pas craquer sous la pression. Mais lorsque l’Espagnol se retrouve dans la position du ’chassé’ avec la tâche ingrate d’ouvrir la voie à ses adversaires, la tendance est souvent différente. Après avoir gagné la spéciale de la veille, le pilote aux 29 victoires d’étapes (au moins une chaque année depuis maintenant 2012) est parti en éclaireur. Dès le premier intermédiaire, ‘Bang Bang’ lâchait déjà plus de deux minutes et la dynamique n’a fait que s’amplifier au fur et à mesure de la course, jusqu’à cette faute entre les km 265 et 270 : Barreda a chuté et s’est fait mal à l’épaule. C’est son coéquipier Pablo Quintanilla qui l’a aidé à se relever pour reprendre le guidon de sa Honda 450 CRF et rallier l’arrivée. Il a perdu plus de 20′ dans la manœuvre et les chances d’accrocher son tout premier podium au Dakar (oui, son tout premier !) en prennent un petit coup. Désormais pointé à 22’58 de Sam Sunderland, il peut toujours se lancer à nouveau dans une de ces ‘remontada’ dont il a le secret, et améliorer la 5ème place qu’il a obtenue en 2017. Son épaule en vrac ne lui en laissera peut-être pas l’opportunité, le pilote et le staff médical de son équipe ayant préféré attendre demain pour décider de la poursuite de l’aventure. Le gaillard est quand même habitué à serrer les dents très fort.

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