Dakar: Jean-François Kerckaert raconte ses reconnaissances avec David Castera

Dakar 2021 - Recce

– Cordons de dunes, plaines de graviers, rochers cachés… Nous avons fait les reconnaissances du Dakar 2021 avec David Castera

Cette deuxième édition du Dakar sera à l’évidence toute particulière. En raison de la pandémie de Covid-19, les reconnaissances ont été effectuées en ‘last minute’. Le patron du rallye-raid David Castera a passé un mois en Arabie saoudite, roulé sur chaque km du parcours, corrigé, amendé la trace établie sur les cartes électroniques. Spécialiste du Dakar pour Francetvsport, Jean-François Kerckaert a rejoint l’équipe des reconnaissances à mi-parcours pour reconnaître la trace de Haïl à Djeddah et vous en dit plus sur cette édition prometteuse. Comme si vous y étiez…

Les reconnaissances du Dakar 2021 touchent à leur fin. On est assis autour du dernier feu de camp des ‘recos’. Dernière nuit à la belle étoile à venir. David Castera, Patron du Dakar, rêvasse en mélangeant soigneusement son sachet de pâtes lyophilisées. « Je le dis pas souvent, mais là, je crois qu’on tient un super tracé ».

Le fameux tracé s’étend sur 7645 km de Djeddah à Djeddah. 4700 km en course. Une seule étape, la 6, de Buraydha à Ha’il en mono-terrain : 100% sable. Toutes les autres spéciales rivaliseront de variété de paysages et offriront tous types de surfaces aux roues des concurrents.

Un Dakar plus technique que rapide
L’année dernière, la deuxième partie du rallye avait laissé les concurrents dans une relative frustration. Des pistes rapides, des cordons de dunes plutôt faciles à négocier, l’Empty Quarter, désert absolu du Sud du pays n’a pas tenu les promesses placées en lui. « C’était trop rapide et au fond presque monotone », regrette Castera. « Il fallait vraiment changer ça. » Le Dakar fera donc le tour du pays dans le sens inverse de l’édition 2020 et surtout, évitera de s’enfoncer trop avant dans ce ‘quart vide’ en remontant vers Riyad. « L’idée est que les concurrents trouvent un maximum de variété de terrains dans chaque spéciale », martèle le patron du rallye.

Pendant 12 jours passés en immersion avec Castera et ses cinq équipiers des ‘Recos’, en matière de variété de terrains, on a été servi. Tout y est, tous les jours. Les pneus des deux véhicules qui ouvrent la trace (deux autres voitures suivent à quatre jours derrière et écrivent le road-book) tâtent de tout ce que la nature propose au voyageur du désert. Pistes caillouteuses, sablonneuses, cordon de dunes, plaines de graviers et rochers cachés au fond des canyons. « Oui, imposer des changements de rythme, ça m’obsède, avoue Castera. Mais ce sont les concurrents qui me le demandent ! ». On titille un peu le chef : la variété tous les jours, finalement, ça peut se transformer en routine… « Franchement, tu préfères 300 km de cailloux le mardi, 400 km de sable le mercredi et 350 km de pistes le jeudi ? » Non, bien sûr. On ne préfère pas.

« Plus sérieusement, je souhaite que les concurrents aillent moins vite, poursuit Castera. Il n’y a aucun intérêt sportif à rouler à fond pendant deux heures. Ça ne plaît à personne. En revanche, enchaîner des parties techniques entrecoupées de secteurs plus ou moins rapides, c’est plus épanouissant. Il faut gérer son effort, sa mécanique. Être endurant et mettre les gaz à bon escient. »

Jouer avec la navigation
Trois ou quatre fois par jour, nous avons fait demi-tour pour revenir de 20, 30, 40 km en arrière et corriger la trace dessinée sur les cartes électroniques en temps de confinement. « Normalement, on aurait dû faire une première passe en avril, une autre en juin et une dernière en septembre. Là on fait en un mois et demi le boulot de trois mois », explique le patron du Dakar. Et rien ne vaut le ressenti du terrain. L’œil du satellite ne distingue que la largeur d’une piste. Si elle est trop roulante, on repart à l’envers, on change de vallée, on cherche le difficile… Par le terrain et par la navigation aussi.

Les concurrents sont des petits poucets qui ramassent des ‘way-points’ (points de passage obligés) comme autant de petits cailloux. A chaque way-point manqué, du temps (peu ou prou) perdu. « Il y a tellement de pistes ici qu’on peut vraiment jouer sur la navigation », sourit Castera. « Dans ces larges vallées aux innombrables traces, on ne donne que des caps et il faut être super concentré pour ne pas perdre le fil. C’est aussi pour cela qu’on fait demi-tour et qu’on recommence : on doit garder un axe logique tout en le rendant complexe à suivre au ras du sol. A l’inverse, si la route mène vers un passage dangereux, le road-book devient moins subtil à interpréter, question de sécurité ». Il faudra donc se montrer très attentif à cette navigation sélective, d’autant que pour la première fois cette année, tous les concurrents recevront leur road-book à dix minutes du départ seulement. Ce qui devrait calmer quelques ardeurs… excessives.

Une redoutable avant-dernière étape
Retour au feu de camp et aux pâtes lyophilisées. Castera a un petit sourire. « Je l’imaginais moins costaud celle-là, quand même… » Il parle de l’étape 11. Celle dont on n’est pas venu à bout malgré deux jours d’efforts. Al Ula-Yanbu. Avant dernière étape du Dakar 2021. La plus longue avant-dernière étape de l’histoire du Dakar. 511 km de spéciale. Du lourd. Des pistes cassantes, des cordons de dunes pénibles. « Vu d’en haut, sur l’ordi, ça paraissait moins copieux, ça m’avait paru plus roulant. » On lui demande s’il a l’intention d’en enlever un peu, d’alléger la chose, à une journée de la fin, après 4000 km de course. « Non », répond-il, catégorique. « Je n’ai pas prémédité mon coup, mais franchement, elle est trop belle. Ca va leur plaire ! » Il a sûrement raison. Les pros pourront batailler jusqu’au bout. D’autres iront au-delà de qu’ils tenaient pour leurs limites. Après tout, c’est ça qu’ils viennent chercher.

Jean-François Kerckaert,

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