Les plus enflammés des supporters saoudiens auraient parié cher sur la victoire de leur porte-drapeau à domicile. Mais avec une quatrième place au bout de son 6ème Dakar, il prouve surtout qu’il a trouvé le chemin de la maturité.
On repère facilement chez lui un air d’éternel adolescent. Avec un sourire farceur constamment accroché à son visage, un ton enjoué et une voix haut perchée, Yazeed Al Rajhi peut passer pour un dilettante. Il l’a certainement été, durant une autre vie. C’est en tout cas ce dont se souvient Matthieu Baumel, toujours son coéquipier chez Toyota mais qui fut surtout son premier copilote durant quatre ans, lorsque le tout jeune Saoudien a démarré en rallye traditionnel. « C’était intéressant pour moi d’essayer d’aider à faire progresser un pilote qui roulait vite, mais à qui il manquait toutes les autres qualités », raconte Baumel. « La grande difficulté, c’est qu’il avait beaucoup de mal à reconnaître ses erreurs. C’était toujours la faute de la voiture, du road-book, du copilote ! Mais progressivement évolué, en partie en arrivant à se définir des objectifs plus clairs. Avant il roulait pour s’amuser, maintenant il veut réellement gagner. »
L’intéressé ne prendra pas ombrage du regard porté sur son parcours, qu’il analyse lui-même avec une vision complémentaire : « par rapport à mes débuts sur le Dakar en 2015, j’ai davantage d’expérience, je sais maintenant comment appréhender une course aussi longue. Il faut toujours préserver la voiture, c’est le plus important. »
La sagesse fait maintenant partie du registre d’Al Rajhi. Et l’arrivée du Dakar en Arabie Saoudite n’est peut-être pas étrangère à cette transformation selon le patron de Toyota Overdrive Jean-Marc Fortin, qui illustre sa pensée par une anecdote récente. « Sur le rallye du Kazakhstan il y a quelques mois, il était au coude à coude avec Nasser au moment où il est parti à la faute et mis sa voiture sur le côté. A ce moment, il est sorti de sa course, a terminé la spéciale sans casque et pris une lourde pénalité, a pris des photos de l’auto renversée pour son compte Instagram en pensant qu’il ne pouvait plus gagner. Mais le lendemain, c’est Nasser qui a perdu 25 minutes sur des problèmes mécaniques, il aurait donc pu s’imposer. Nous en avons parlé, et ça l’a bien fait gamberger. Dans la foulée, il s’est imposé sur le premier championnat d’Arabie Saoudite, auquel il tenait beaucoup, puis il s’est sérieusement préparé pour le Dakar. »
Manifestement, le message a été entendu. Bien que Yazeed n’était plus en position de s’imposer, il obtient tout de même son meilleur résultat en arrivant à Qiddiya : « Je suis très content de ma 4ème place… mais avec un peu de chance elle peut aussi se transformer en 3ème, espérait encore l’optimiste, par ailleurs impliqué dans son rôle de moteur de la discipline en Arabie Saoudite. Je sais que je peux servir à ouvrir la porte à de jeunes pilotes, notamment certains que je sponsorise et à qui je donne des conseils pour percer. »
Matthieu Baumel et Jean-Marc Fortin peuvent être fiers de leur élève…