24H du Mans/Norman Nato: « Le Mans, enfin ! »

Norman Nato © DR

Norman Nato disputera la semaine prochaines ses premiers 24 Heures du Mans. Il a découvert le weekend dernier lors des essais préliminaires une nouvelle voiture, une nouvelle écurie et un nouveau circuit. De multiples défis à relever !

Racing Engineering ne disputant pas les 24 Heures du Mans 2018, Norman Nato a reçu de l’écurie SMP Racing, à quelques jours de la clôture des inscription, une proposition qu’il a acceptée de disputer la plus célèbre épreuve d’endurance du monde.

Au volant de la Dallara P217 – Gibson n°35, Norman fera donc équipe en catégorie LMP2 avec le Britannique Harrison Newey et le Russe Viktor Shaitar.

Pour Norman, cette participation consiste à relever un triple défi : disputer la course la plus difficile du monde, au sein d’une nouvelle écurie, en compagnie de coéquipiers avec lesquels ils n’a jamais partagé le baquet. On pourrait ajouter une quatrième difficulté : au volant d’une voiture qu’il ne connaît pas. Mais pour Norman, ce n’est qu’un détail :

« Passer de l’Oreca à la Dallara est, de tout ce qui m’attend, sans doute le plus simple ! Le règlement LMP2 étant très contraignant pour les constructeurs de châssis il y a peu de différence entre cette Dallara et l’Oreca que je pilote pour Racing Engineering en ELMS et avec laquelle j’ai décroché une victoire dès la première course de la saison 2018 en avril au Castellet. Il faut que je me débarrasse de certains réflexes de gestion des paramètres châssis déjà acquis et que je les remplace par de nouveaux. C’est juste une question de concentration. A moteur égal, le V8 Gibson qui équipe réglementairement toutes les LMP2, la Dallara n’est pas encore aussi performante que l’Oreca. Notre résultat, nous l’obtiendrons donc par la régularité en piste, par la parfaite gestion de la course et des situations que nous rencontrerons. Le challenge à relever n’est pas la quête de performance pure, il est ailleurs… »

« AUX 24 HEURES DU MANS, LES TROIS PILOTES NE DOIVENT FAIRE QU’UN »
« Les 24 Heures du Mans sont une affaire d’équipe. Aucune autre épreuve n’exige autant d’entente et de cohésion entre les trois pilotes de la voiture, et entre les pilotes et l’équipe technique. Les essais préliminaires du week-end dernier ont été en cela très importants. Cette journée-test est, avant tout, le moment de la découverte humaine. Il faut essayer de se plonger tout de suite en situation de compétition. Être attentif, vigilant, totalement ouvert sur les autres, pour comprendre comment chacun fonctionne. C’est à ce moment-là que se prennent les bonnes attitudes. C’est plus difficile qu’il n’y paraît car chaque pilote a ses habitudes, chaque écurie ses routines et ses logiques. Or aux 24 Heures du Mans, il ne faut faire qu’un. La qualité d’un pilote d’Endurance, au-delà de sa rapidité et de sa régularité, c’est de savoir prendre sa place dans l’écurie, toute sa place, mais rien que sa place. Ces mots ont un sens : quelles que soient les qualités individuelles, même excellentissimes, elles ne peuvent pas s’exprimer -voire elles peuvent être contre productives !- si elles ne s’harmonisent pas avec le fonctionnement de l’écurie. L’Endurance est un sport collectif. Plus l’épreuve est longue, moins il y a de place pour l’individualisme. Si, après vos relais, à force d’avoir voulu enchaîner des records du tours pour vous faire plaisir, vous rendez une ‘chaussette fumante’ au pilote qui vous succède dans le baquet, vous fabriquez de la défaite. Et ça, c’est dans le meilleur des cas. Car parfois, vous ne ramenez pas la voiture…

Une course au long-cours se gagne en respectant parfaitement le tableau de marche et en ayant le souci permanent du relai suivant, de l’heure suivante, de ce que vous offrez comme ‘outil de performance’ à celui qui vous remplace au volant lors du ravitaillement. Au Mans, pas de place pour l’égo et la vanité !

C’est pour cela que découvrir ses coéquipiers, apprendre très vite comment communiquer avec les autres, est si important. Je crois que Viktor, Harrison et moi aurons une chance de rallier l’arrivée si nous parvenons à adopter cet esprit d’équipe et à le conserver des premiers essais jusqu’au drapeau à damier. Chacun d’entre nous commence à cerner la personnalité des deux autres, ce que nous ressentons dans la voiture, comment travailler avec l’équipe. Nous avons notamment commencé à trouver les réglages voitures qui nous conviennent à tous les trois. Dans une course d’Endurance, pas question comme en monoplace de régler la voiture pour soi. Ici, ‘pour soi’ devient ‘pour nous’. Suspensions, assiette générale, freins, aérodynamique, il faut trouver le plus grand dénominateur commun aux trois pilotes qui permette, à chaque relai, à celui qui prend le volant de trouver, non pas une voiture parfaitement réglée, mais une voiture avec le meilleur compromis de réglage possible ». Acceptation du compromis et esprits d’équipe, deux attitudes essentielles pour affronter pendant 24 heures un géant : le circuit du Mans.

« 13,626 km DE PISTE À MÉMORISER, TROIS CIRCUIT EN UN SEUL ! »
« L’apprentissage du circuit des 24 Heures, sa mémorisation, c’est l’autre objectif de la journée test. Quand on aime piloter, on n’a pas peur du Mans –ni avant, ni pendant, ou alors il ne faut pas faire se métier… Mais on est forcément avide de découvrir cette piste! Comme tous les pilotes n’ayant jamais couru les 24 Heures, j’ai été convoqué il y a une dizaine de jours par l’ACO pour une journée d’évaluation hors-piste. Séance d’une cinquantaine de tours au simulateur de pilotage pour valider nos capacités au volant, réunions nous expliquant les spécificités techniques et sportives de l’épreuve ainsi que les règles de comportement en piste et les consignes de sécurité, tout est passé en revue pour que nous abordions la semaine de course dans les meilleures conditions de sécurité, pour les autres comme pour nous-mêmes.

« J’ai trouvé cette journée utile, intelligente. Vous pouvez être champion du monde de F1, si vous n’avez jamais disputé les 24 Heures du Mans, vous avez l’obligation de participer à cette journée liminaire. C’est normal tant cette course est hors-norme. Lorsqu’on arrive ici, on est un peu comme un alpiniste au pied de l’Everest. On sait que ça existe, on en a entendu parler, on a éventuellement regardé les autres du bord de la piste, beaucoup d’entre nous ont fait du simulateur, mais être pour de bon en piste au volant d’un prototype ou d’une GT, ne se raconte pas : ça se vit ! Et cette expérience est unique.

« Le Mans est une parenthèse de temps et d’espace dans une saison. Tout est ici au-delà des limites et du réel que nous affrontons ailleurs. Les dimensions du circuit 13,626 km, l’un des plus longs du monde, avec sa météo différente d’une extrémité à l’autre ; sa configuration qui rassemble la quasi totalité des difficultés du pilotage, virages lents, grandes courbes rapides, lignes droites à fond absolu qui nous poussent à des vitesses auxquelles nous évoluons rarement ailleurs -au-delà de 330 km/h, Le Mans ce n’est pas un circuit, mais plusieurs mis bout à bout ! Il me faut d’habitude deux tours pour identifier les difficultés d’une piste, comprendre comment les maîtriser et mémoriser le tracé. Ici, il m’a fallu six tours. Trois fois plus… Et puis la durée et l’intensité de l’épreuve sont uniques : nous ne conduisons pas pendant 24 heures en gérant un gentil train-train, nous pilotons 24 heures au quasi maximum des performances physiques et techniques. Physiquement, je sais déjà que je vais être dans des zones d’effort, de fatigue et de stress que je n’ai jamais affrontées. Je ne les redoute pas car ma condition physique est au top, mais je sais que je vais vivre des situations dans lesquels l’intensité de l’affrontement, la complexité des conditions de courses, la densité du trafic, la météo, les événements extérieurs, vont chahuter mes performances. J’en suis conscient et en même temps j’y suis préparé. Je sais que tout sera potentiellement difficile mais j’attends ces moments-là avec sérénité. »

Les essais préliminaires du 3 juin ont également permis à Norman Nato d’évaluer son niveau de performance par rapport à ses coéquipiers et par rapport à ses adversaires.

« PROCHAINE ÉTAPE, LES ESSAIS DE NUIT »
« Harrison Newey, Viktor Shaitar et moi formons un bel équipage. Nos profils sont différents mais riches et complémentaires. Harrison a gagné l’ALMS en catégorie LMP2 en 2017 avec le Jackie Chan Racing en remportant trois des quatre courses de la série. Comme moi, c’est sa première participation aux 24 Heures. Viktor, en revanche, prendra cette année le départ de son cinquième
Mans dont il a remporté le classement LMGTE Am en 2015 et terminé troisième en LMP2 en 2016. Chacun apporte le fruit de son expérience qui enrichit les deux autres : Harrison connaît très bien le LMP2 ; Viktor est un pilote SMP de longue date et il a déjà les automatismes des 24 Heures du Mans ; je suis moi le moins expérimenté du lot en Endurance, mais j’ai déjà démontré mes qualité de rapidité et ma capacité à gagner en équipage en LMP2 cette année. Notre objectif est donc d’exploiter nos points forts, de mettre en commun nos savoirs et de former un équipage homogène. Notre mission n’est pas de démontrer individuellement ce que nous vallons, mais d’atteindre collectivement un objectif. »

Cette homogénéité des hommes est un facteur essentiel de la performance au sein d’un plateau dont le niveau est très élevé.

« Les concurrents retenus par l’ACO pour les 24 Heures du Mans sont, sauf cas exceptionnel, les meilleurs du monde. Ils ont mérité leur place pour avoir démontré un très haut niveau de performances dans leur catégorie, pour être régulièrement sur le podium, voire pour avoir gagné des épreuves ou l’une des séries. Les essais préliminaires auxquels nous avons pris part le 3 juin ne sont pas la course. Même s’il y a un classement, chacun vient rouler avec des objectifs qui lui sont propres. Pour un nouveau comme moi, l’objectif était double : m’intégrer dans l’équipe et découvrir le circuit. »

Pas de stress ?
« Mon premier vrai moment de stress des 24 Heures du Mans 2018, je l’ai eu précisément dimanche lors des essais préliminaires. Un pilote novice doit réaliser dix tours chronométrés pour être déclaré définitivement ‘bon pour Le Mans’. Il suffit d’un problème technique ou d’une erreur de pilotage –de soi ou d’un coéquipier, pour que l’on ne puisse pas les couvrir. La tension était donc vraiment là, comparable à celle que j’avais ressentie en monoplace en partant en pole à Monaco. Mais une fois au volant, tout est rentré dans l’ordre ! Il me reste maintenant à affronter une autre situation inconnue : le Mans la nuit. C’est pour la semaine prochaine, mercredi, lors de la première journée d’essais des 24 Heures. Du stress positif : de la gourmandise ! »

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