
L’ancien pilote polonais de Formule 1 a remporté les 24 Heures du Mans avec Ferrari, dimanche, quatorze ans après avoir été victime d’un grave accident en rallye.
Au moment de remonter la voie des stands sous la haie d’honneur du paddock au volant de son bolide jaune, ses coéquipiers perchés sur le toit, il a sans doute repensé à tout ce qu’il a traversé pour en arriver là. En franchissant la ligne d’arrivée du mythique circuit des 24 Heures en tête du peloton des Hypercars(Nouvelle fenêtre), dimanche 15 juin, sur les coups de 16 heures, Robert Kubica, a inscrit son nom au palmarès de la plus prestigieuse course d’endurance au monde, et marqué l’histoire du sport automobile.
Devenu le premier Polonais à remporter les 24 Heures du Mans, et le deuxième pilote seulement au 21è siècle à s’imposer à la fois en Formule 1 et sur le mythique circuit de la Sarthe, il a également décroché une victoire comme une revanche sur la vie. À 40 ans, le natif de Cracovie a triomphé quatorze ans après le grave accident qui avait failli le priver d’une carrière dans le sport automobile, et même de son bras droit.
Ascension brisée
Au début de l’année 2011, Robert Kubica, 27 ans, est bien installé dans le petit monde de la Formule 1. Cinq ans après ses débuts avec l’écurie allemande BMW, il compte déjà une victoire à son palmarès, au Grand Prix du Canada en 2008. Cette année-là il termine 3è à égalité au championnat des pilotes après avoir été dans la bataille pour le titre jusqu’à deux courses de la fin. Alors sous contrat avec Renault F1, qui voit en lui un possible candidat au titre mondial, il attend de vivre avec l’écurie française une deuxième saison sous le signe de la progression.
Mais le 6 février, quelques jours après les premiers essais d’avant-saison, il est victime d’un grave accident sur le rallye Ronde di Andora, en Italie, après avoir perdu le contrôle de sa voiture sur une sortie de route à haute vitesse. Placé sous coma artificiel, il passe deux mois à l’hôpital. Il doit ensuite longuement soigner ses blessures, notamment son bras droit particulièrement abîmé dans l’accident et qui n’a pas retrouvé toute sa mobilité. « L’une des pires périodes de ma vie a été quand mon esprit n’acceptait pas le fait que mon bras était défaillant. C’était assez difficile à vivre, mais je suis heureux d’avoir atteint mes objectifs personnels », s’est d’ailleurs souvenu le nouveau héros des 24 Heures en zone mixte après sa victoire, qui avait déjà vécu un accident impressionnant en F1 en 2007.
Après des mois de travail dans l’ombre, une nouvelle blessure en janvier 2012, et un titre de champion du monde en WRC-2 (Rally2) en 2013, il fait son retour sur les circuits en 2016, en endurance, comme un symbole. Mais il n’en a pas encore fini avec la F1, et finit par trouver une place de pilote de réserve dans l’écurie Williams pour la saison 2018, avant d’être titularisé aux côtés d’un jeune George Russell en 2019 pour une ultime saison dans la catégorie reine. Handicapé par les séquelles de son accident, il n’est toujours pas capable de tenir le volant des deux mains. Il termine à l’avant-dernière place au classement des pilotes avec un petit point au compteur et son contrat n’est pas renouvelé.
Renaissance en endurance
Robert Kubica rebondit à nouveau en endurance, et dispute sa première édition des 24 Heures du Mans en 2021, en LMP2, la deuxième classe de voiture. À partir de 2024, il rejoint l’équipage Ferrari AF Corse, la troisième voiture engagée par la Scuderia dans la nouvelle catégorie reine de l’Hypercar.
C’est dans son bolide jaune qu’il a damé le pion à ses deux grandes sœurs, aux côtés de Phil Hanson et Ye Yifei, pour s’adjuger sans doute la plus belle victoire de sa carrière, dimanche. Mais peut-être pas celle de sa vie, comme il l’a assuré aux médias : « Si je devais dire une chose, un fait marquant ou la meilleure chose que j’ai accomplie dans ma vie, cela n’a rien à voir avec la course, mais c’est plutôt la bataille que j’ai gagnée avec mon esprit. À l’époque, c’était vraiment difficile. »
« Honnêtement, je pense que c’est un grand jour pour moi. Nous pouvons maintenant ajouter la Pologne comme pays vainqueur du Mans d’une certaine manière. C’est aussi une façon de remercier mes fans qui m’ont accompagné dans les bons et les mauvais moments de ma vie et de ma carrière », a-t-il également savouré. De quoi définitivement tourner la page, et en ouvrir une nouvelle ? « J’avais dit que si je gagnais (les 24 Heures du Mans), je ne reviendrais pas et que je retournerais au rallye. En général, je tiens mes promesses… On verra ce que l’avenir me réserve. »
Maÿlice Lavorel – France Télévisions,