24 Heures du Mans: L’EOT en questions

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Avant la Journée Test des 24 Heures du Mans, Thierry Bouvet, le délégué technique de l’Automobile Club de l’Ouest, démêle le vrai du faux à propos de l’EOT (équivalence de technologie). Il rappelle l’origine et la finalité de ce principe, fruit d’un travail de concertation entre l’ACO, la FIA et les constructeurs de châssis et moteurs LMP1.

 

– Balance de performance (BOP) ou Equivalence de technologie (EOT), pouvez-vous nous expliquer la différence ?
Thierry Bouvet : « Utilisée en catégorie LM GTE, la Balance de Performance permet à des sportives de route aux caractéristiques techniques bien différentes (par exemple, position de moteur à l’avant ou à l’arrière) de pouvoir rivaliser en course.Pour parvenir à ce niveau de compétitivité entre les concurrents, les LMGTE sont tout d’abord amenées dans une fenêtre de performance aérodynamique aussi proche que possible et ensuite des ajustements sont réalisés principalement sur le poids des machines, leur puissance mais aussi sur l’autonomie (capacité du réservoir).
« L’Equivalence de Technologie a elle pour objectif, d’assurer une catégorie LMP1 attractive en équilibrant au maximum le potentiel de performance des voitures à technologies hybrides et non-hybrides puisque cette année, ces deux types de technologies sont en concurrence directe. La situation pour cette saison 2018-2019 est en effet nouvelle puisqu’une seule équipe d’usine, Toyota, engage un prototype hybride (LM P1H) face à des équipes privées qui s’alignent avec des voitures non hybrides (LM P1NH).Cette EOT doit permettre aux équipes privées, nouvelles venues avec des voitures toutes récentes et non hybrides, de s’approcher des performances des prototypes hybrides de Toyota, que le constructeur japonais développe depuis 2016. »

 – Quel est le principe de l’EOT ?
Thierry Bouvet : « Avec la FIA, nous avions déjà établi une EOT, en 2014, pour équilibrer les performances essence-diesel. Les ajustements se font par l’attribution de carburant (débit, quantité par tour…) qui influe sur la performance et l’autonomie des voitures. Le débitmètre et de nombreux capteurs sont des outils précieux pour la définir.
« Aujourd’hui, du fait des règlements techniques différents entre les LM P1H et les LM P1NH (aérodynamique, poids total de la voiture…), et au sein même des LM P1NH (suivant qu’ils soient mus par des moteurs atmosphérique ou turbo), nous avons opté à nouveau pour une EOT. »

– Comment l’avez-vous établie avec ce nouveau contexte ?
Thierry Bouvet : « L’hiver dernier, un groupe de travail technique regroupant la FIA, l’ACO et les constructeurs de châssis et de moteurs LMP1 s’est réuni à plusieurs reprises pour en définir les bases. En références, nous disposions des données du prototype hybride de Toyota. Pour les LM P1NH, qui étaient en cours de fabrication, les fabricants ont fourni des éléments à partir de simulation. Aussi, et alors accepté par tous, nous ne pouvions nous interdire quelques adaptations futures. Le Prologue, puis la course de Spa nous ont donné des indications précieuses. Tout en ne négligeant pas le fait que ces nouvelles LM P1NH sont en pleine phase de développement et possèdent donc une marge de progression conséquente, nous avons décidé de quelques modifications. Nous devons garantir l’équité sportive. Les aménagements techniques consentis aux voitures privées ont pour vocation de réduire l’écart au minimum avec les voitures hybrides, pas de les placer artificiellement devant. Des outils nous permettent d’assurer cette équité. De même, la technologie hybride doit garder son bien fondé : au Mans, une LM P1H bouclera un tour de plus que les LM P1NH. »

– A quelques jours de la Journée Test au Mans, l’EOT fait encore débat. Par exemple, en LM P1NH, l’équilibre entre moteurs atmosphérique et turbo ne semble pas bien accepté ?
Thierry Bouvet : « Lors de notre analyse en 2017, nous avions conclu à une non-différenciation entre ces deux motorisations car beaucoup de paramètres rentrent en ligne de compte et bien au-delà du simple chiffre de puissance.Nous avons par exemple une différence au niveau du poids car les accessoires sont plus lourds pour le moteur turbo, mais aussi au niveau du refroidissement (le moteur turbo doit refroidir l’air d’admission), éventuellement au niveau de la consommation d’essence et tout cela a forcément des répercussions sur la performance de la voiture (poids avec sa répartition des masses avant/arrière, performance aérodynamique comme la trainée…).Suite aux données enregistrées au Prologue et à Spa, nos équipes ont procédé à de nombreuses analyses et aujourd’hui nos conclusions peuvent se lire par l’EOT pour Le Mans test. »

– A Spa, justement, les Toyota étaient plus rapides que les LMP1 privées, une seconde par tour, et pour la Journée Test au Mans ce 3 juin, vous avez décidé de réduire le débit de carburant des LMP1 Privées (108 kg/h de carburant max pour les non hybrides et non plus 110, contre 80 kg/h de carburant max pour les hybrides)! Pourquoi ?
Thierry Bouvet : « Lors de la construction de l’EOT pour le championnat de 2014, et ce afin de garantir une cohérence d’utilisation du système hybride avec les autres éléments de la voiture, les LMP1H ont un coefficient multiplicateur au kilomètre du système hybride de +55% sur les circuits autres que Le Mans (qui est spécifique avec ses longues lignes droites) ce qui était donc le cas à Spa.
« De ce fait, les performances relatives des LM P1H et LM P1NH sont différentes entre Spa et Le Mans et en défaveur des voitures hybrides pour Le Mans.
« Nous avons donc utilisé toutes les données enregistrées aussi bien lors du Prologue qu’à Spa pour affiner l’EOT pour Le Mans et ainsi rapprocher les privés de Toyota.
« Encore une fois, entre Spa et la Journée Test, les LMP1 privées ont poursuivi leur marge d’évolution. Les performances vont être analysées pendant et après la journée Test par nos spécialistes ACO et FIA. »

– Certains concurrents en LM P1NH craignent de de voir ‘lever le pied’?
Thierry Bouvet : « Si la consommation au tour est un paramètre restrictif, sa gestion est compliquée si elle doit être opérée par le pilote. Voilà pourquoi les usines ont développé des stratégies qui permettent de la faire de façon automatique. Imposer cela aux privés serait à la fois couteux et inutile. C’est pour cela que l’EOT qui a été publiée pour la journée Test ne spécifie pas de consommation par tour, ni par relais. Il n’y a donc pas de raison de lever le pied dans les voitures non hybrides. Tous les chiffres obtenus pendant la journée Test seront analysés par l’ ACO et la FIA et publiés pour la semaine de course. »

Communiqué ACO,

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