
En règle générale, on ne fait pas le fier en ramenant un 5/20 à la maison. Mais lorsqu’il s’agit de Nasser Al Attiyah, qui exposera un cinquième bédouin dans son musée à trophées, conquis au terme de sa 20ème participation au Dakar (édition 2008 comprise, comme c’est l’usage sur le bivouac !), on peut facilement lui attribuer la mention très bien, les félicitations du jury et en prime l’admiration de la planète rallye-raid au complet pour l’ensemble de son œuvre. La machine à succès Al Attiyah s’est réellement mise en route en 2011, à l’époque avec Timo Gottschalk comme allié dans une Volkswagen Touareg. Depuis, sa première réputation de froisseur de tôle s’est bien dissipée, et l’association avec Mathieu Baumel à la navigation à partir de 2015 a abouti à quatre nouvelles victoires : en 2015 dans une Mini, puis en 2019, 2022 et maintenant 2023 au volant d’une Toyota Hilux.
C’est un tableau de maître qu’a dessiné le duo sur les sables d’Arabie Saoudite, prenant la tête de la course sans se précipiter au soir de la troisième étape pour atteindre la journée de repos avec 1h20 d’avance, pendant que tous ses rivaux succombaient aux rigueurs du terrain. Les Hunter de l’écurie Prodrive se retrouvaient exclus des débats principaux dès la deuxième étape par une pluie de crevaisons, tandis que les Audi de Stéphane Peterhansel et de Carlos Sainz perdaient toute chance de succès au pied d’une dune sur la sixième étape. L’heure de la conquête n’a pas encore sonné pour les RS Q e-tron à motorisation électrique, dont un seul exemplaire, celui de Mattias Ekström, a vu l’arrivée deux semaines après avoir gagné le prologue du Sea Camp.
Seul réel rescapé de cette hécatombe chez les adversaires des Toyota, Sébastien Loeb s’est lancé dans une course-poursuite bien lointaine mais pleine de panache en vue de l’Empty Quarter, et jusqu’à l’arrivée à Dammam. Sur sa chevauchée désertique et héroïque, le nonuple champion du monde de WRC a empilé les succès, apprivoisant les dunes comme jamais et réalisant un sans-faute qui le fait rentrer dans l’histoire avec une série de 6 étapes remportées consécutivement, effaçant des tablettes un enchaînement de cinq spéciales gagnées par Ari Vatanen en 1989. Nasser, tranquillement supersonique, a pris soin de ne pas rentrer dans ce jeu et a mis le cap sur Dammam où son avance sur Loeb, le même dauphin que l’année dernière, reste de 1h20′. Et le cinquième succès d’Al Attiyah met lui aussi un petit coup de vieux au grand maître finlandais, qui n’avait gagné ‘que’ quatre fois le Dakar, mais en l’espace de cinq éditions seulement. Dans son viseur, la campagne 2023 a aussi permis au Qatari de progresser vers le record des 50 victoires d’étapes de Vatanen, avec 47 au compteur, et les huit titres en autos de Stéphane Peterhansel.
Dans le clan Toyota, les sourires se portent jusqu’aux oreilles, la troisième marche du podium étant occupée par un nouveau venu dans l’équipe et sur le Dakar. Le Brésilien Lucas Moraes devient le premier débutant en autos à atteindre le trio de tête depuis la victoire de Juha Kankkunen en 1988.
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Et le Top 5 est complété par deux autres Hilux : celui du métronome Giniel De Villiers qui termine dans cette élite resserrée pour la 15ème fois, suivi de son compatriote sud-africain Henk Lategan qui tentera dans l’avenir de suivre l’exemple de son mentor.
Face à cette domination éclatante, la 6ème place de Martin Prokop vaut bien mieux qu’un lot de consolation, tandis que Wei Han est allé chercher le meilleur résultat d’un pilote chinois avec sa 8ème place. En étrennant le nouveau T1+ de l’écurie X raid avec une 9ème place, Sébastian Halpern mobilisera son optimisme pour voir un encouragement à persévérer, tout comme Guerlain Chicherit qui ferme le Top 10 et a convaincu avec deux victoires de spéciales dont la dernière (neuf Top 5 d’étapes au total) que son niveau de pilotage n’avait rien à envier aux meilleurs.