
L’ŒIL DANS L’OBJECTIF
C’est une étape de 759 km qui attendait les concurrents qui ont quitté ce matin Wadi Ad-Dawasir. En liaison plein Sud, d’abord en direction de la province de Najran pour rejoindre le départ de la spéciale de 375 km qui serpentait entre les plateaux de Wajid et de Hijaz, avec leurs sommets culminant jusqu’à 1770 mètres d’altitude dans des décors uniques au monde. Ceux de la Province de l’Aseer et ses pythons rocheux les pieds plantés dans le sable. Un terrain rapide composé à 66% de sable en direction du Nord-Ouest avec en ligne de mire la ville de Bisha où la caravane s’est installée pour deux nuits avant l’étape finale. De quoi venir à bout de certaines mécaniques qui devaient aujourd’hui dépasser les 6500 km de course, à l’image de celle de la numéro 1 de KTM (voir le coup dur du jour), ou de s’offrir une nouvelle victoire à deux jours de la fin, ce dont Peterhansel, avec une 49ème spéciale sur quatre roues, ne s’est pas privé de faire.
L’ESSENTIEL
L’ambiance n’est pas seulement électrique dans la Audi de Stéphane Peterhansel, mais aussi au sommet de la hiérarchie des motos, l’enjeu de la victoire finale étant loin d’être réglé. L’étape du jour, remportée par Toby Price, a occasionné peu d’écarts, mais a en revanche copieusement redistribué les cartes. Adrien Van Beveren a eu le mérite de mettre du panache pour aller conquérir la première place du classement général, mais cet honneur pourrait se transformer en cadeau empoisonné. Car ses rivaux directs pour le titre, que sont Pablo Quintanilla et Sam Sunderland, respectivement pointés à 5’15’’ et 5’59 de lui, auront le bénéfice d’une position de départ éloignée. Or sur cette étape sablonneuse, la position d’éclaireur dont le pilote Yamaha, contraint d’attaquer, va très vite hériter en partant en 3ème position, deviendra immanquablement un handicap. Le Français est ainsi contraint à l’exploit pour résister à ses poursuivants, dont les intérêts sont de plus communs par exemple pour les pilotes GasGas, KTM et Husqvarna qui roulent tous sous la direction sportive de Jordi Viladoms.
On ne se pose pas autant de questions dans le paddock des teams Toyota et BRX, qui abritent les autos de Nasser Al Attiyah et de Sébastien Loeb. Les deux premiers du général sont séparés de près de 33 minutes, et le Français n’a réussi à gratter que 1’25 à son devancier… à ce rythme, il faudrait rallonger le Dakar jusqu’à la mi-février pour qu’il puisse déloger le Qatarien ! Derrière le duel au sommet, on continue de batailler pour les spéciales, et les Audi RS Q e-tron se montrent bel et bien au rendez-vous, même sorties du jeu de la gagne. Après les succès de Carlos Sainz et de Mattias Ekström, c’est aujourd’hui Stéphane Peterhansel qui y va de son scratch : le 82ème de sa carrière, mais le 1er avec un 4×4 à motorisation hybride.
En quads, après les déboires de Pablo Copetti, qui a cassé le moteur de son quad comme Kevin Benavides celui de sa KTM (voir le Coup dur du jour), Alexandre Giroud a un boulevard devant lui pour aller chercher le titre, avec 2h36’ d’avance. Le contexte est à peine plus stressant pour ‘Chaleco’ Lopez, leader des T3, qui poursuit sa route sans forcer avec une petite heure d’avance sur Sebastian Eriksson, et se soucie peu de voir le jeune Américain Seth Quintero signer sa 10ème victoire de spéciale de l’année dans la catégorie.
A peine plus âgé, le Lituanien de 22 ans Rokas Baciuska dispute en SSV son premier Dakar… et remporte sa première spéciale. Austin Jones n’en a pas gagnée cette année, mais se dirige vers la victoire avec 11’54 d’avance sur Gerard Farres. Le camion de Dmitry Sotnikov joue quant à lui sur tous les tableaux, avec une 4ème spéciale qui lui offre une avance au général d’une dizaine de minutes devant Eduard Nikolaev.
LA PERF’ DU JOUR
Si les regards sont rivés sur Seth Quintero qui cumule désormais 10 spéciales en T3 cette année, derrière l’Américain la lutte fait rage. Et parmi ses adversaires se tient une certaine Dania Akeel. Une des deux seules représentantes saoudiennes engagées cette année avec Mashael Alobaidan, cette surdouée apprend vite… et pour cause ! Invitée au Dakar il y a deux ans par la fédération saoudienne, elle a profité de l’occasion pour franchir quelques dunes derrière un volant. Il ne lui en a pas fallu beaucoup plus pour aiguiser son appétit et lui donner envie de participer au rallye-raid le plus exigeant. Elle a donc décidé de s’engager à la coupe du monde des Baja tout-terrain en catégorie T3, qu’elle a gagnée dès sa première tentative à bord d’un Can-Am. Cette performance lui a ouvert les portes du 44ème Dakar. Classée 16ème au terme de l’étape inaugurale à Jeddah, sa ville de naissance, elle a accroché son premier Top 10 lors de l’étape 4. Deux spéciales plus tard, elle pointait sixième au général avec le statut de deuxième rookie derrière Sebastian Eriksson. Cette ascension en a malheureusement pris un gros coup lors de l’étape 7. Victime d’un problème mécanique dans le dernier tronçon, elle a perdu plus de 4h30′ pour réparer avant de repartir. Épaulée par Sergio Lafuente, ancien athlète olympique, Akeel ne baisse pas les bras. 13ème et 14ème les deux jours suivants, la pilote South Racing signe son meilleur résultat du Dakar aujourd’hui avec une belle sixième place à un peu moins de 22′ de Quintero. Sans ce coup du sort de l’étape 7, elle figurerait probablement parmi les cinq premiers des prototypes légers. Pas grave, son objectif de rallier l’arrivée est pour le moment respecté et au passage, elle marque les esprits en ouvrant la voie à d’autres concurrentes saoudiennes.
LE COUP DUR DU JOUR
Le Dakar mène la vie dure à Kevin Benavides. Les misères qui s’abattent sur lui ont débuté il y a bien longtemps, puisqu’après sa révélation sur l’édition 2016 (4ème), il a connu plusieurs fois la frustration de voir la victoire lui échapper dans les derniers jours du rallye, jusqu’à finalement atteindre la consécration en janvier 2021. Cette année, la défense de son titre était très mal engagée avec 36 minutes déjà perdues à la fin de la première étape, mais l’Argentin a fait preuve de détermination et de talent pour entreprendre une reconquête. Au départ de la spéciale dessinée entre Wadi et Bisha, il pointait même au 5ème rang de la hiérarchie et les 10 minutes qui le séparaient de Matthias Walkner, alors leader du général, lui autorisaient tous les espoirs. Mais au km 133, sa KTM l’a lâché. ‘Se rompio el motor’, a très rapidement communiqué le Salteño totalement dépité sur ses réseaux sociaux. Le verdict est sans appel, avec son moteur cassé, Kevin se retrouve fauché dans son élan chevaleresque. Tout est à refaire.